Avenue Royale


Lancés il y a plus de trente ans, les travaux de l’Avenue Royale ambitionnent de relier le centre-ville de Casablanca à son littoral, en créant une artère emblématique au cœur de la métropole. Une artère large, droite, symbole d’élan urbain, de projection vers l’avenir. 

Pour qu’elle existe, il faut détruire. Détruire une partie de la médina extra-muros, déclarée d’utilité publique. Plus de 1 700 logements jugés insalubres, 11 500 ménages promis au relogement. Mais le projet s’enlise. Trop de promesses. Trop d’acteurs. Trop de lenteur.

Et pendant ce temps, les gens vivent entre.
Entre passé et avenir.
Entre murs debout et murs effondrés.
Entre la crainte d’être expulsés et l’espoir d’un vrai toit.
Entre un quartier qu’on ne peut plus habiter et un autre où l’on ne veut pas aller.

Les nouveaux logements sont à 12, 15 kilomètres. Loin. Loin du port, du centre, de la mer, des petits boulots, des voisins. Loin de tout ce qui tisse une vie, de l'économie informelle et du réseau d'entraide qui permet de vivre au quotidien. 

Depuis 2021 je photographie ce « entre ».
Les rues de terre, les bâtis à moitié effondrés.
Les regards aussi : perdus, méfiants, absents parfois.

J’ai rencontré Achraf, Youssef, Hicham, Yaya, Amine, Hassan, Nawal, Amina.
Ils vivent dans ce flottement.
Certains travaillent au port, d’autres dealent « parce que voler, c’est haram ».
Certains rêvent d’ailleurs, le regard tourné vers l’horizon.
Mais tous restent là, pris entre deux mondes, deux vies, deux lendemains incertains.

Ce projet raconte ça :
Pas seulement une avenue qui ne se fait pas,
mais un monde suspendu.
Une population qui attend, qui s’adapte, qui résiste, parfois qui cède.

Ce projet interroge la manière dont nous construisons et habitons nos espaces. Il s’inscrit dans une réflexion sur les rapports entre patrimoine, mémoire, et développement urbain, sur l'impact de projets d'urbanisation sur des populations et leurs modes de vie.

En juin 2025, le projet devrait aboutir et ce quartier sera transformé, laissant place à la nouvelle infrastructure urbaine planifiée depuis les années 80.